Rémunérer les auteurs invités en festival : un choix fort de la Ville d’Épinal !

La Ville d’Épinal, organisateur des Imaginales, le festival des mondes imaginaires, soutient les auteurs qu’elle invite : elle a décidé de rémunérer les interventions publiques des auteurs invités à hauteur d’un forfait de 150€ brut en 2016 et 2017, puis 150€ nets pour deux prestations en 2018, et elle paiera chaque intervention dès l’an prochain comme cela est préconisé par le Centre national du Livre.

Le Festival, qui a montré l’exemple en France dès 2016, reconnaît par cette démarche progressive le travail de ceux sans qui la littérature n’existerait pas, mais il affirme également que la rémunération des écrivains doit rester fondée sur le droit d’auteur, donc sur les ventes d’ouvrages. Le festival propose à tous d’en débattre lors d’une table-ronde organisée dimanche 27 mai.

La crise des modèles anciens de rémunération des auteurs, qui reposent historiquement sur le droit d’auteur, et dans une moindre mesure sur les rémunérations accessoires, [1] est évidente. Depuis quelques années déjà, des écrivains d’imaginaire demandent aux festivals, jusqu’ici fondés sur le principe de la gratuité totale de la participation des auteurs invités, de substituer à ce modèle ancien une rémunération des auteurs à la prestation.

Cette demande adressée aux salons et aux festivals littéraires – notamment par des collectifs comme #paietonauteur – traduit avant tout une nette dégradation de la situation économique des écrivains. Elle est aussi une exigence de respect des artistes : sans écrivains, pas de livres, pas d’éditeurs, pas de festivals !

 

Au-delà des mots, des actes !

Parce qu’on ne peut se contenter de débattre, les Imaginales sont aussi un festival précurseur : en 2016, prenant acte du malaise de la profession, les Imaginales ont été le premier festival d’imaginaire en France à agir en faveur d’une rémunération des auteurs invités. En 2018, il franchit un nouveau cap : le montant passe à 150€ nets pour une ou deux interventions. Cette somme sera ainsi versée non plus forfaitairement, mais à la première intervention, à la troisième, à la cinquième, etc.

 

Pourquoi passer progressivement du tout gratuit au tout payant ?

 Ce processus est progressif, afin de protéger les équilibres économiques patiemment bâtis par le festival de 2002 à 2018, mais également les auteurs les plus fragiles qui n’auraient pas, sans cette prudence, eu autant de possibilités de se voir inviter.  En effet, à la différence des festivals dont l’entrée est payante, les Imaginales ont fait le choix de la gratuité totale de l’accès aux rencontres avec les auteurs (cafés littéraires, tables rondes, conférences, etc.), à la Bulle du livre et aux expositions. Il est d’ailleurs regrettable qu’il ne soit fait aucune différence entre les festivals à entrée gratuite, et ceux à entrée payante, alors que les aides et les obligations sont identiques.

 

Incontournable entrée gratuite

Le choix de la gratuité favorise l’accès de tous les publics au festival – conformément à la politique culturelle ambitieuse et ouverte à tous de la Ville d’Épinal.

Celle-ci entend maintenir son choix de la gratuité, alors même que certains organismes officiels incitent à faire payer un droit d’entrée. La Ville estime que l’entrée payante ne correspond ni à sa conception de la culture, ni au positionnement des Imaginales qui s’adressent évidemment aux amateurs de littératures d’imaginaire, mais aussi, plus largement, au public adolescent et aux familles. Il s’agit d’une volonté politique forte déjà exprimée dès 2015 dans Actusf. [2]

 

Ne pas réduire la voilure

Le festival Imaginales ne souhaite pas non plus réduire trop drastiquement le nombre d’invités, ou renoncer à une programmation de qualité, diversifiée, dynamique, offrant au public une large gamme de rencontres, de la conférence spécialisée au café littéraire grand public, du colloque universitaire aux Prix Imaginales des écoliers, des collégiens, des lycéens et des bibliothécaires. [3]

 

La subvention du CNL est aussi liée à la qualité de la programmation 

Enfin, last but not least, une seule subvention accordée aux Imaginales, celle du CNL, est en partie liée à la rémunération des interventions des auteurs invités en festival. Le CNL augmente certes sa subvention aux Imaginales depuis trois ans, et qu’il en soit ici remercié chaleureusement, mais celle-ci ne pourra pas couvrir l’intégralité du paiement des auteurs. En outre, cette aide du CNL participe aussi au financement général des dépenses artistiques de l’événement.

Le festival Imaginales œuvre pour que l’accompagnement du CNL soit de nouveau abondé l’année prochaine, avec l’appui des auteurs et de leurs associations, car la subvention du CNL dépend aussi du rayonnement de la manifestation, et de la qualité de sa programmation. La rémunération des auteurs est donc bien l’un des critères d’attribution des subventions du CNL aux festivals, mais pas le seul. Quant à l’aide de la Sofia, modeste, elle nous a été accordée une seule fois, en 2017.

 

Oui à la rémunération des auteurs. Et tous ensemble !

C’est pour ces raisons que les Imaginales se sont engagées par paliers, de façon déterminée mais non de manière irréfléchie, ce qui aurait pu bousculer les équilibres actuels. L’enjeu reste de développer le festival, comme le démontre la croissance continue du chiffre d’affaires de la librairie centrale[4]tout en créant des ressources propres (mécénat, location de stands, buvette). Cette stratégie est gagnante pour l’ensemble de la filière du livre, donc pour les auteurs ! Elle est aussi prudente et patiente, car il s’agit de rémunérer les auteurs sans baisser le niveau des ventes de livres, ce qui serait un comble.

La situation difficile des auteurs justifie donc que leur rémunération par l’ensemble des festivals d’imaginaire devienne impérative [5] malgré ses répercussions inévitables sur le nombre d’invités.

La Ville d’Épinal, organisatrice du festival Imaginales, a donc décidé de rémunérer les auteurs, tout en rappelant que le droit d’auteur doit rester leur principale source de financement.

 

Ainsi, à compter de l’édition 2019, les Imaginales rémunèreront toutes les interventions des écrivains invités.

 

[1] Les droits d’auteurs proviennent des ventes de livres, et les rémunérations accessoires des interventions des écrivains dans les écoles ou bibliothèques par exemple.

[2] http://www.actusf.com/spip/article-21084.html

[3] N’oublions pas non plus les Prix Imaginales, décernés par un jury qualifié et indépendant, financés par la Ville d’Épinal à hauteur de 5000€.

[4] De nombreux festivals louent, parfois à prix d’or, leurs stands aux libraires, alors que, dix-sept ans durant, les Imaginales ont soutenu les libraires indépendants en ne leur réclamant aucun droit de place. Cette forte augmentation des ventes a donc été totalement portée vers le développement de la filière livre.

[5] Les Imaginales montrent la voie, mais ne peuvent rester seules à répondre favorablement aux demandes des écrivains. C’est toute la galaxie des festivals, chacun avec ses moyens et à son rythme, qui doit s’engager dans cette dynamique en faveur des auteurs.