Interview de Magali Villeneuve et Alexandre Dainche / Par Orfilinn

Vous travaillez comme illustrateurs pour de glorieuses licences comme Magic, le seigneur des anneaux, Le trône de Fer, etc. et vous arrivez à trouver le temps de faire des couvertures de romans. Comment vous organisez-vous?

Alex : Par moments, on se demande nous aussi comment s’organiser, à vrai dire.

Nous sommes beaucoup sollicités pour le travail ou pour des salons, et malheureusement nous sommes obligés assez souvent de décliner les invitations car notre activité, très chronophage, demande énormément d’implication. 

Ajoutez à cela le travail sur notre roman La Dernière Terre (LDT)et vous comprendrez que cette fameuse organisation repose sur un réel exercice d’équilibristes, au sein duquel l’éparpillement et une mauvaise hygiène de vie doivent être bannis, autant que faire se peut.

Le cycle La dernière Terre a germé dans la tête d’Alex. Vous y réfléchissez conjointement et vous scénarisez tout deux chaque tome. Magali s’attelle à écrire chaque chapitre, que vous relisez et optimisez ensemble : un véritable travail d’équipe ! Vous êtes toujours d’accord, ou vous avez une vision différente de certains passages/dénouements? 

Alex : Comme toute équipe, il faut qu’il y ait des désaccords où s’expriment les opinions divergentes pour faire germer de nouvelles idées, et finalement trouver la meilleure approche sur les divers aspects du roman.

Mais en général, ce qui est plutôt fascinant, en tout cas pour ma part, c’est que nous avons une vision assez similaire. Comment amener les choses, comment les écrire, les différents dénouements… La plupart du temps nos pensées suivent le même chemin sans même que nous nous soyons concertés. Nous savons où nous allons, comment et avec quelle sensibilité d’écriture nous voulons amener les événements.

Magali : Nous sommes également liés par nos goûts en matière de littérature, ou, pour être plus précis, ce qui nous interpelle dans un écrit. Cela ne se limite pas à la SFFF. Nous aimons aussi les textes plus classiques, et notamment l’approche de la littérature romantique, celle de Hugo, de Stendhal… Nous avons aussi une petite prédilection pour les tragédies comme Bérénice, Antigone, ce genre de choses, ces textes où la formule, bien au-delà d’un vain exercice de style, est vectrice d’évocations surpuissantes.

Nous aimons les beaux textes où toute l’exigence et la richesse de la langue française est mise en exergue sans formatage, et avec une maîtrise telle que cela n’apparaît ni pédant, prétentieux ou lourd. C’est ce à quoi nous aspirons pour LDT, avec nos moyens qui sont certes ce qu’ils sont : nous avons la volonté de ne pas prendre le lecteur pour un idiot sans lettres qui n’attendrait d’un roman de Fantasy que de la péripétie sans un minimum de forme. Peut-être est-ce, espérons-le, ce qui rend LDT un peu différent. Ou du moins un peu singulier.

Alex, tu réalises les couvertures de LDT : tu conçois les illustrations selon ta vision propre des choses ou vous en discutez ensemble au préalable?

Alex : Quand le moment d’illustrer le premier tome est venu, mon idée fut de ne surtout pas mettre en avant un personnage en particulier. Parce qu’il y a beaucoup de personnages dans la série et je me voyais mal mettre en avant l’un plus que l’autre (nous n’aimons pas trop ce type de hiérarchie). Et parce qu’un groupe de personnages risquait d’assimiler trop le roman à un roman jeunesse, alors que LDT ne se range aucunement dans cette catégorie.

Pour ce premier tome, si l’on doit désigner une entité principale, c’est Tileh Agrevina, la cité où se déroule le gros de l’intrigue. S’il fallait représenter une seule chose sur la couverture, c’était cet endroit.

Afin de donner au visuel une certaine légèreté, j’ai eu l’idée de suggérer la cité par sa tour centrale, vue à distance, dressée au sommet d’un décor majestueux. Puis j’ai opté pour un personnage de dos, qui permet au lecteur de se placer de son point de vue et de se demander ce qu’il peut y avoir par-delà les montagnes. Les teintes bleues rappellent la mentalité et le mode de vie, rigides et froids, des habitants de la cité. En gros, voila l’idée de base de la couverture. 

Magali a tout de suite aimé cet esprit et nous avons décidé de le garder pour tous les tomes afin de leur garder une unité et une cohérence.

Le tome 2 du cycle, intitulé « Des Certitudes » sort ce mois-ci…

Magali : Il prend place à la suite quasi immédiate du précédent. Ils auraient pu ne former qu’un seul et même livre. Ce deuxième volume marque néanmoins une accélération dans le récit. Les enjeux se précisent, ainsi que leur impact sur les protagonistes. Nous avons donné les clés de l’univers dans le tome 1 ; le lecteur peut à présent bien appréhender le cœur de toute cette histoire au fil de ces nouveaux chapitres, où, on peut le dire sans rien « spoiler », ça va commencer à barder pour de bon !

A l’instar du premier tome, le tome 2 sera accompagné d’un livret d’illustrations. Vous pouvez nous donner des précisions ?

Alex : L’éditeur de L’Homme Sans Nom, connaissant notre métier, nous a demandé si nous pouvions créer quelques illustrations afin de les réunir dans un livret qui accompagnerait le roman. L’idée était vraiment super et nous avons accepté de suite.

Il se trouve que nous avons eu énormément de travail au même moment et le manque de temps ne nous permettait plus de fournir autant d’illustrations que prévu. J’ai demandé à notre éditeur son accord pour demander leur participation à quelques camarades artistes. Je partais vraiment sans conviction, car rien ne me garantissait qu’ils accepteraient de prendre part à un projet dont ils ne savaient absolument rien. À notre grande joie, ils ont dit oui et c’est parti comme ça.

Pour le tome 2, contrairement au premier tome où je connaissais les artistes avant,  je suis allée frapper à la porte de personnes dont j’estimais beaucoup le travail sans les connaître. Et encore une fois, j’ai été ravie de voir la gentillesse et la simplicité avec laquelle elles ont accepté.

Comment ne pas mentionner John Howe qui a écrit la très belle préface de ce deuxième tome ? Il fait partie de ceux qui m’ont donné envie de faire ce métier, alors imaginez ce que cela peut représenter pour moi… Nous lui avons exposé le  projet, et sur sa demande, envoyé le premier tome afin qu’il puisse se faire son idée. De tout ceci a résulté ce magnifique cadeau qu’il nous a fait et qui restera l’un des très beaux souvenirs de tout ce projet.

Un merci à Cent Alantar, d’ailleurs, l’un des artistes présents, pour nous avoir mis en relation avec John Howe, Joaquim Royo et Dan Cooper.

J’en profite également pour remercier tous les autres artistes : Marc Simonetti, Jacques Lamontagne, David Gilson, Camille Raveau, Christian Lesourd, Stéphanie Dubut, Guile Sharp, Christine Deschamps, Maliki, Joaquim Royo, Jérémie Fleury, Alexis Flamand et Dan Cooper.

Les livrets des tomes 1 et 2 sont limités aux 1500 premiers exemplaires, ce sont donc des collectors !

Votre saga est prévue en 6 tomes. Quand est prévue la sortie du troisième ?

Magali : Nous planchons sur 2014. Tout dépendra de notre éditeur, de son timing de sorties, ainsi que de facteurs divers qui nous incombent.

Vous avez réalisé ensemble l’affiche 2013 du festival des Imaginales. Comment avez-vous travaillé sur cette illustration un peu particulière ? 

Alex : Quand Bernard Visse nous a contactés, nous étions pris par beaucoup de travail. Si seul l’un de nous avait dû faire l’affiche, nous aurions dû décliner l’offre. C’aurait été dommage car les Imaginales se déroulent dans notre région, et nous y participons depuis environ 6 ans. Et tout naturellement, M. Visse a suggéré que nous nous partagions la tâche. Je me suis occupé du décor et Magali des personnages et de l’avant plan. 

Il n y a pas trop eu de difficultés entre nous puisque nous sommes plutôt dans la même ligne artistique. Le défi fut de rendre une affiche capable d’attirer le plus grand nombre de personnes au festival,  adultes, adolescents ou enfants.

Vous revenez aux Imaginales, avec la double casquette d’illustrateurs et d’auteurs. Vous pouvez nous donnez votre sentiment sur votre retour ?

Magali : C’est toujours un plaisir de participer aux Imaginales, que l’on soit auteur ou illustrateur, que notre actualité soit mise en lumière ou pas. Cela reste un des événements de l’imaginaire dans notre pays, et nous sommes fiers d’avoir apporté notre pierre à cet édifice.

 

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