Yal Ayerdhal…

Les Imaginales perdent un ami 

 

Le monde de l’imaginaire est en deuil. Yal Ayerdhal, l’un des meilleurs auteurs de sa génération,[1] est décédé le 27 octobre 2015 des suites d’un cancer. En ce moment, nous pensons à ses proches, et tout particulièrement à Sara Doke, sa compagne.

 

La Ville d’Épinal, élus et organisateurs du festival, appréciaient tous son grand talent, sa forte personnalité, et sa totale disponibilité.

 

Écrivain apprécié des Imaginales et de son public, Yal était l’invité permanent de la Ville d’Épinal ; à une année près, il aura irrigué le festival de 2003 à 2014. Il se sentait vraiment bien à Épinal, et nous avec lui.

 

Ayerdhal est l’auteur de romans de science-fiction aussi brillants que La Bohême et l’Ivraie, Mytale, L’Histrion, Sexomorphoses, Balade choreïale, ou Étoiles mourantes.[2] Parleur, sa seule grande incursion en fantasy, est un chef d’œuvre. Ses thrillers lui ont également valu de toucher un large public avec Transparence, Résurgence, Rainbow Warriors et Bastards, l’une de ses très grandes réussitesEt tant d’autres récits, romans et nouvelles.

 

Ayerdhal n’hésitait pas à aborder des sujets rarement traités avant lui. Sollicité par Libération, qui demandait aux auteurs français de science-fiction d’imaginer le futur proche, Ayerdhal préféra le choc des mots aux platitudes : il écrivit au « je » le parcours tragique d’un laissé-pour-compte passé au terrorisme. Le texte divisa la rédaction du quotidien, et fut publié de justesse. Rétrospectivement, ce texte prend hélas une tonalité prémonitoire :

http://www.liberation.fr/cahier-special/1997/04/05/l-an-2000-un-nouveau-millenaire-l-occasion-de-solder-ses-comptes-et-de-payer-ses-dettes-et-a-l-echel_203396

 

Pour Ayerdhal, même si cela choque ou dérange, la littérature a le droit, et même le devoir, de provoquer si elle a pour ambition sincère d’alerter.[3]

 

Ayerdhal était aussi l’un des hommes les plus féministes de sa génération. Sans en tirer la moindre gloire (pour lui, l’égalité, c’était naturel), il avait su mettre en scène des personnages féminins très forts (Qui pourrait oublier Anne X, l’héroïne émouvante et terrifiante à la fois de Transparence ?). Il n’hésitait pas non plus à sortir des sentiers battus du genre, comme dans L’Histrion en imaginant le personnage d’Aimline.

 

S’il était le plus chaleureux des hommes, notre ami Yal détestait la mièvrerie et les fausses convenances. Lui rendre hommage, c’est se souvenir de lui tel qu’il était, vrai, sincère, souvent révolté par les hypocrisies et les injustices. Syndicaliste aussi avec l’association Le Droit du serf. Récemment, à l’occasion d’une interview,[4] il citait une phrase de Jean-Paul Sartre qui lui tenait à cœur : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent ».

 

Ceux qui ont eu la chance de connaître Ayerdhal, de le rencontrer ou simplement de partager avec lui un café littéraire, une séance de signatures ou un échange impromptu, se souviendront toujours de lui.

 

Avec Ayerdhal, c’est l’une des grandes voix de l’imaginaire qui vient de s’éteindre. Celle d’un auteur engagé, au talent immense, mais toujours soucieux des autres.

 

 

[1] Grand Prix de l’imaginaire 1993 et 2004, Prix Ozone 1998 et 2000, Prix Tour Eiffel 1999, Prix Michel Lebrun 2004, Prix Rosny aîné 2013 et 2014, Prix Bob-Morane 2014.

[2] Écrit en collaboration avec Jean-Claude Dunyach (Prix Tour Eiffel 1999).

[3] Demain une oasis, anticipation à très court terme publiée en 1992, alertait déjà ; relue en 2015, elle confirme qu’un artiste authentique devine l’air du temps avant les autres !